La colline de Saint-Clément-sur-Guye des origines à nos jours.
L'évolution d'un terroir de Saône-et-Loire.
par Gérard Ferrière
Immensité des prairies et des forêts, petites parcelles de vigne
bordées de murs en pierre sèche, landes où pousse le genêt à balais et la fougère
aigle, Saint-Clément-sur-Guye est perché sur une colline située à un carrefour
géologique, climatique et historique déroulant une mosaïque de paysages.
D'abord une histoire de roches
Il y a très longtemps, bien avant que l'homme existe, une vieille chaîne de
montagnes occupait le nord-ouest de cette région : le Morvan. Rabotée, aplanie
au cours des temps géologiques, elle était bordée par d'immenses plages ouvrant
sur une mer. Dans les grès et les argiles, de gros reptiles ont imprimé leurs
empreintes de pas. Du sel cristallisé sous forme de gypse, s'est déposé. Ces
roches servent aujourd'hui de support au plateau, à peine ondulé, qui s'étend à
l'est du point de vue de la Poraire. Il est recouvert de forêts (chênes,
charmes, plantations récentes de résineux), de landes (étang de Burzy) et de
pâturages (Les Chaumes).
Puis des mers ont submergé la Bourgogne. À leur tour, elles ont déposé des
sédiments qui sont devenus roches. Les fossiles, retrouvés, dans les terres lors
des labours, témoignent des nombreux organismes qui peuplaient ces milieux. En
relation avec les mouvements de la croûte terrestre, la mer s'est enfin retirée
et les Alpes, en se soulevant, ont bousculé, fracturé ces dépôts. Ils forment le
relief visible aujourd'hui. La colline de Saint-Clément est le reflet de ces
couches superposées :
- marnes, imperméables, sur lesquelles circule l'eau des nappes souterraines.
Des peupliers et un lavoir, situé au pied du point d'observation de la Poraire,
témoignent de leur présence.
- calcaires, offrant au vignoble de la Côte chalonnaise son prestigieux support.
De nombreuses parcelles gardent leurs murets ou « murgers », au creux
desquels se nichent de petits édifices rondelets : les « cadoles »,
témoins de la vocation viticole ancienne de ce terroir.
La surrection alpine a également fait remonter l'ancien soubassement géologique
de la région. Décapé de sa couverture, il forme l'axe cristallin du Charolais et
du Mont Saint-Vincent. Cet axe se déploie à perte de vue, à droite et face à la
table d'orientation de la Poraire. Ici, l'eau est présente partout, l'habitat se
disperse et de grosses fermes sont visibles en dehors des villages. Le bocage,
harmonieuse alliance entre nature et culture, s'exprime avec volupté. Façonné de
toutes pièces par nos ancêtres paysans, le tracé de certaines haies ou
« bouchures » et de certains chemins remonte souvent au Moyen Âge.
À l'est, la ligne d'horizon est occupée par les Monts du Mâconnais et du
Clunysois. Ils sont séparés de cette région par la vallée de la Grosne.
Des climats, des végétaux, des animaux et des hommes
L'une des caractéristiques de cette région est d'être placée à un carrefour où
se croisent, parfois s'opposent, des climats :
- Rappelant le Midi, il n'est pas rare d'entendre le chant des cigales,
d'apercevoir un bel oiseau : la huppe fasciée, et de rencontrer l'érable de
Montpellier.
- L'influence continentale est marquée par la présence des jonquilles. Lors des
premiers soleils, elles colorent les bois.
- Une tendance montagnarde, renforcée par le climat océanique, se ressent sur
l'axe du Mont Saint-Vincent : des récoltes de myrtilles sont possibles.
Très tôt, conscient de ces richesses, des hommes de passage
ont laissé ça et là des silex taillés, témoins de leur culture. Plus tard, sur
le versant sud, à proximité d'une source, une autre population a dressé deux
menhirs en grès, l'un énorme, l'autre plus petit. Les Celtes, à leur tour, ont
occupé cette contrée. Le Mont Saint-Romain, qui domine la vallée de la Grosne,
leur servait de refuge. La conquête romaine laisse de nombreux vestiges :
villas installées sur les terres fertiles de la vallée, statuettes retrouvées
dans les vignes de Corcelles et surtout voies de circulation. L'une d'elles,
venant de Saint-Gengoux et se dirigeant vers l'ouest, marque par sa rectitude,
le paysage. Facile à deviner après « Les Chaumes », elle coupe à
« En Bourges » la route départementale, qui dans une grande courbe,
suit le relief. Les deux axes se rejoignent peu avant « Les Croisettes »,
puis se séparent une nouvelle fois.
Lors des périodes troublées des VIIe et VIIIe siècles, les
Mérovingiens ont enterré leurs morts dans un cimetière placé à proximité des
menhirs. Quelques sarcophages se cachent encore dans les rues du village. C'est
probablement au Xe siècle que l'habitat s'est perché au sommet de la
colline, entourant une première église. De ce premier édifice il ne reste plus
que la nef avec sa maçonnerie particulière en épi. Le XIIe siècle apporte
son nom à la commune et l'église, à la suite d'un incendie, prend ses formes
actuelles. Elle reçoit un massif clocher qui domine l'horizon. L'effet de mise
en valeur des terres est intense pendant l'époque médiévale. Les appellations de
nombreux lieudits, comme L'Effondrée, la Condemine, en gardent le souvenir.
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