Les toponymes de la commune de Saint-Clément-sur-Guye
par Jean-Pierre Valabrègue
1 - LIEUDITS HABITÉS
LE BOURG
Le nom
de Saint-Clément-sur-Guye
On n’a pas de texte donnant à date ancienne le nom du village. Il est placé
aujourd’hui (depuis quand ?) sous le vocable de saint Clément, quatrième pape,
après saint Pierre, saint Lin et saint Anaclet, de 88 à 97, sous le nom de
Clément Ier, martyr. On le fête le 23 novembre ; il est le patron des
marins.
Contrairement à ce que le nom de la commune pourrait laisser
entendre, la Guye ne passe pas sur le territoire de Saint-Clément. La Guye passe
à l’horizon du village, qui la domine.L’histoire de la Guye est riche de toute l’histoire des agglomérations et des paysages
qu’elle irrigue. La Guye naît dans les collines de Sainte-Hélène, canton de
Buxy, au lieu dit aujourd’hui « La Bonne Fontaine, Source de Guye » : c’est un
lieudit du hameau de Sermesse, qui était nommé « Fontaine de Guye » sur une
carte du XVIIIe siècle. Elle reçoit les eaux du Brennon, dont nous
reparlerons ; elle arrose Joncy et son vénérable château ; elle s’étale à la
moindre averse dans un lit de grasses prairies qui valut son nom à Saint-Martin
« la Patouille » devenu « la Patrouille » pour plus d’élégance ; formant un
brusque coude, qui fut la protection naturelle de Salornay, elle reçoit la
Gande ; elle va se jeter dans la Grosne noble et belle, qui vient de Cluny, et
de Cormatin, dont elle emplit les douves.
Mais son nom pose un problème, qui a été résolu par Gérard Taverdet. Le nom
actuel de la Guye n’est ni gaulois, ni latin, mais germanique, donc beaucoup
plus récent que la plupart des noms de cours d’eau voisins (attesté « Wie » en
990 ; « Guia » en 1234). Le problème que le nom actuel pose est le suivant : les
Germains étant arrivés dans nos régions au plus tôt au Ve siècle
après J.-C., peut-on croire que ni les Gaulois ni les Romains ne l’avaient
auparavant baptisée ? Impossible, vu l’importance du cours d’eau ! Mais alors,
quel était son nom ?
C’est la toponymie qui permet
de reconstituer le nom gallo-romain que la Guye portait avant l’arrivée des Germains.
Le nom du
village de « Salornay » fournit la réponse. Là où la rivière change de
direction, et où d’ailleurs la Gande la rejoint, le village de Salornay s’est
bâti, sur un promontoire entouré d’eau ; « Salornay », c’est « le village de la
Guye », « Salornacum » issu de « Salonn(i)acum », « le village de la Salonna » :
voilà le nom ancien gallo-romain de la Guye, « Salonna », qui est un nom bien
gallo-romain : la Grosne voisine portait alors le nom de Gravonna ; et, un peu
plus loin, la Saône, nommée certes « Arar » dans le latin de Jules César,
c’était aussi « Sagonna » en gallo-romain.
« EN BOURGES »
Plus ou moins influencé par le mot français « bourg », le nom ancien de
« Bourges » désignait des bâtiments. On a peu d’archives. Néanmoins, le nom de
« Bourges » est noté dans un texte de 1487 à propos de Jean de Messé, « escuyer,
à cause de sa maison de Bourges ».
Le domaine rural de « Bourges » est composé de bâtiments dont
certains éléments paraissent remonter à la fin du Moyen Âge. En 1962 y a été
découverte une statuette en bronze gallo-romaine représentant le dieu Mercure.
Devant le domaine passe une voie romaine.
« EN CHAUMES »
C’est un toponyme très répandu dans nos régions. Au lieudit « En Chaumes »
de Saint-Clément font écho, par exemple, « Les Chaumes » du Puley,
Mont-Saint-Vincent, Saint-Micaud, Vaux-en-Pré ; « Les Chaumeaux » à
Marigny, « Les Chaumonts » à Saint-Micaud ; etc.
Il s’agit d’un terme bien gaulois. La racine gauloise kal- a
donné en gallo-romain un « calma » qui a évolué en chal-,
puis chau-me. Elle est bien connue chez nous, et bien représentée. À quoi
cela tient-il ?
Nous sommes, avec le mot Chaume, au cœur de l’héritage
gaulois. Strabon écrivait des Gaulois, au Ier siècle avant J.-C. : «Les
Gaulois ont de si nombreux troupeaux (…) qu’ils fournissent en abondance en saie
et en salaisons non seulement Rome, mais la plupart des régions d’Italie. »
(Géogr. IV, 4,3) La pratique de l’élevage extensif était héritée des
générations celtes d’autrefois. Les lentes migrations avaient favorisé
l’habitude des troupeaux itinérants. Établies sur de nouvelles terres, ces
populations ont dû poursuivre leurs activités d’élevage. Mais elles pratiquaient
aussi la culture extensive, du blé par exemple, sur les bonnes terres. César en
est témoin. Ils laissaient donc divaguer leurs troupeaux sur les terres moins
riches, mais dont les vastes étendues compensaient le moindre rendement.
(C’est le lieu d’ouvrir une petite parenthèse. La légende des pays
gaulois couverts de forêts a vécu : seuls des défrichements intensifs ont
pu permettre ces cultures et ces élevages !)
(Seconde parenthèse : on peut penser que si le chêne était,
chez les Gaulois, un arbre réputé, sinon sacré, c’est sans doute parce qu’il
permettait la glandée et la nourriture de porcs en liberté, à demi sauvages,
particulièrement vigoureux, disait-on.)
Ainsi donc, les nombreux lieudits « Les Chaumes »
pérennisent, dans la toponymie régionale, le souvenir des maigres pâturages, sur
des plateaux parfois dénudés ; la pratique paysanne de nos ancêtres donnait une
certaine image aux paysages – on ne peut pas dire que nos régions ont beaucoup
changé de pratiques ; simplement, de nos jours, les pâturages sont plutôt sur
les terres de bonne qualité !
« CORCELLES »
En Saône-et-Loire, aucune commune ne porte ce nom, contrairement à ce qui se
passe dans bien des départements voisins, l’un des plus illustres lieudits étant
le château de Corcelles, dans le Beaujolais.
Mais, chez nous, de nombreux hameaux portent ce nom. Au total, dans le département,
l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques)
répertorie 23 hameaux de ce nom habités ; notre canton en a deux, l’un à
Saint-Romain-sous-Gourdon, l’autre à Saint-Clément. Mais il faut ajouter les
lieudits inhabités (Taverdet répertorie 33 occurrences).
L’étymologie est intéressante : un mot latin roman, « cortem »,
continuait le latin classique « cohortem ». Le mot latin était passé du
sens de « groupe de soldats, cohorte » à celui de « groupe
d’habitations ». Le mot « cortem » a donné en français la « cour(t) ».
Avec le suffixe diminutif –cella, le latin roman « corticella »
désigna une petite exploitation agricole, un petit domaine.
Sur le site du « Corcelles » de Saint-Clément, on a trouvé des fragments très
épais paraissant appartenir à des tuiles romaines, ainsi qu’une statuette de
bronze représentant un génie.
Beaucoup de nos « Corcelles » sont des sites élevés, dominant et
surveillant une petite vallée.
« L’EFFONDRÉE »
« L’Effondrée » est actuellement un manoir du XIXe siècle,
avec des dépendances datant du Moyen Âge. Le manoir est postérieur au relevé du
cadastre de 1819, mais on ne connaît pas la date exacte de sa construction ! Ses
dépendances réutilisent une partie des bâtiments du château de la fin du Moyen
Âge, avec des adjonctions des XVIIIe et XIXe siècles.
« L’Effondrée »
est un lieudit cité dans les archives dès le XIe siècle, et
notamment, vers 1050, dans les Chartes de Cluny.
Étrange
mot que « l’Effondrée » pour une construction ! En fait, c’est un lieudit
qui a donné, à date très ancienne, son nom à la construction ! « L’Effondrée »
est un mot résultant d’un phénomène phonologique fréquent : l’agglutination de
l’article. Dans l’ancienne langue française, une « fondrée » était une
sorte de synonyme de « fondrière », un mot qui nous est resté avec un
sens un peu modifié ; ces deux mots désignaient « un fond de vallée
marécageux ». On disait : « la fondrée », « les fondrées » ; puis
« l’effondrée » s’est constitué en soudant l’article au début du mot. On
a de multiples exemples de ce phénomène phonologique ; en toponymie, mais
également dans la langue de tous les jours : un exemple régional, « le lévier »
pour « l’évier » !
Un
lieudit tel que « L’Effondrée » est presque unique en Saône-et-Loire ;
pourtant, en Brionnais, à Sainte-Foy (canton de Semur-en-Brionnais), on a « Les
Effondrées » . Dans le Morvan, La Fondrée, à Larochemillay (canton de
Luzy). Mais on a aussi, chez nous, La Fondrée à Mary, ou, un peu plus
loin, Fondereaux (Bourg-le-Comte, canton de Marcigny) ou Fondriaux
(Uxeau, canton de Gueugnon). Ces mots dérivent de la notion de « fonds » au sens
de « fonds de terre », du latin « fundus » ; comme disait le
Laboureur de La Fontaine :
« Travaillez,
prenez de la peine,
C’est le fonds qui manque le moins » !
(V,9)
DE « LA GARDE » AU LIEUDIT « LES GARANDOTS »
On rapproche souvent du lieudit « Les Garandots », qui appartient à la
commune de Joncy, le latin « villa Quiranda » relevé dans le texte d’une
charte de Cluny, la charte n° 731, que l’on croit pouvoir dater de l’an 949.
Ce lieudit a fait couler beaucoup d’encre. Nous n’en ferons pas
l’historique. Une seule citation suffira ; elle est de Gabriel Jeanton, célèbre
érudit mâconnais (1881-1943), qui dit des « Garandots » : « Important
gué, lieu de passage d’une grande voie qui, couverte en chaussée romaine, sera
défendue sur ce point, à l’époque du Bas-Empire, par une colonie de Sarmates
(Sermesse, commune de Saint-Clément). » (dans « Le Mâconnais
gallo-romain ».)
Qui étaient les Sarmates ? Un peuple de cavaliers établi en colonies
par les Romains à partir du Ve siècle.
Voilà donc le lieudit « En Sermesse » mêlé à mon propos sur
« Les Garandots » ! Gérard Taverdet a consacré un ouvrage entier au
problème des colonies de Sarmates qu’on a longtemps cru concernées par les
nombreux lieudits « Sermesse ». L’INSEE répertorie en Saône-et-Loire 5
lieudits habités portant ce nom ou celui de « Sermaize(t) ». Taverdet
relève 16 toponymes identiques, en des lieux habités ou non de notre département
(cf. La Microtoponymie). Et l’abondance en France de lieudits portant le
même nom rend caduque l’explication par les Sarmates. En fait, la plupart des
toponymes concernés semblent résulter d’une confusion avec des dérivés de « calma »
que nous avons vu tout à l’heure. Il reste que l’étymologie exacte nous en est
inconnue !
Mais revenons aux « Garandots », et subséquemment à « La
Garde », qui, lui, est bien un lieudit de la commune de Saint-Clément ! Avec
ces toponymes, ce n’est plus, comme avec « Les Chaumes », l’activité
agricole des Gaulois que nous rencontrons. C’est la Gaule des combats, et la
structure administrative du pays.
À l’origine, sans doute, « Eg-arandot ». On identifie
facilement le mot gaulois « eg- » , qui désigne « l’eau », et puis
le mot « randa », hyper-représenté sur tout le territoire gaulois (cf.
par exemple « Igue-rande », dans le canton de Semur-en-Brionnais), qui
désigne une « frontière ». En l’occurrence, la frontière, ici, c’est la
Guye qui la matérialise, frontière naturelle comme aimaient les Gaulois. Le mot
signifie donc « frontière d’eau » ou « eau frontière ». Sans doute s’est-il
produit, au cours des siècles, un phénomène fréquent, en toponymie comme dans la
langue de tous les jours : la séparation (l’aphérèse) de la première syllabe.
Cette première syllabe a été prise pour un article pluriel : « L’Eg-arandot »
est devenu « Les Garandots ». C’est l’inverse de l’agglutination de
l’article aboutissant à la formation de « L’Effondrée » qu’on a vue plus
haut !
Cette frontière était surveillée, avec son gué (évoqué, on l’a vu,
par Gabriel Jeanton), depuis la colline de Saint-Clément. Surveillance dont le
lieudit « La Garde » porte la trace. Reste à savoir de quelle frontière
il s’agit. Mais ça, c’est une autre histoire.
D’ailleurs, le site de Saint-Clément est, au sud et à l’ouest, tout
à fait exceptionnel. Les siècles s’y sont donné rendez-vous : le village et son
église romane du Xe siècle, le cimetière mérovingien, les deux
menhirs, la voie romaine sont, dans le désordre, autant de jalons d’une longue
Histoire qui dévale la pente de la colline de Saint-Clément.
2 - AUTRES LIEUDITS
« LE BEURNOU »
Ce lieudit « Le Bernou » n’est généralement pas mentionné sur
les cartes. Mais c’est un lieudit connu dans d’autres régions du département. La
racine indo-européenne *bher(u)-, qui signifie « la source », a donné le gaulois
beru- ou ber- ! « Le Bernou » se rattache ainsi à un certain nombre de
toponymes et de noms de communes issus de *bern-, devenu par métathèse *bren-.
La métathèse est un phénomène fréquent en langage régional, en
particulier chez nous. L’exemple le plus illustre est la « berouate » (ber-) :
c’est le traitement local du français « brouette » (br-) ; ou encore, le fameux
« bredin » de l’Allier (voir Saint-Menoux), devenu « beurdin » chez nous !
La racine gauloise *bren- désigne « la boue » ; elle est passée chez
nous sous la forme *bern-. S’agissant du « Beurnou », la présence d’une source
justifie l’appellation « le boueux » que signifie « le beurnou » !
Il faut noter qu’il y a des mots
gaulois homonymes, d’origine bien différente : par
exemple, le gaulois *brenos, qui désigne le corbeau. On lui rattache même
le gaulois *brennos, qui désigne le chef. Il y
a aussi le célèbre *brenno, qui a donné en français le bran ou le bren,
qui est la partie la plus grossière du son : on disait autrefois « faire
l’âne pour avoir du bran », qui est devenu aujourd’hui « faire l’âne pour
avoir du son »… Le mot a donné aussi en français l’adjectif plus ou moins
régional « bréneux », qui signifie « malpropre »… Et il y a même dans certains
coins « la brenée » ou « la beurnée », qui est un mélange à base de son pour la
volaille…
La racine gauloise *bren-, que nous venons de voir dans « Le
Beurnou », est restée intacte dans un nom propre bien connu dans la région…
Il s’agit du nom de la rivière « Le Brennon ». Cette petite rivière naît
et passe à Saint-Micaud pour aller très vite se jeter dans la Guye, à Genouilly,
en traversant auparavant les lieudits actuels « En Breinat » et « En
Brennant ». Ces lieudits lui doivent bien entendu leur nom. Le nom gaulois
(qu’on ignore) a dû devenir *brennonnum en gallo-romain. La racine bren- y est
suivie du suffixe bien connu -onnum, variante masculine du féminin –onna qu’on
trouve dans le nom de bien des cours d’eau, le plus célèbre étant « La Sagonna »
qui est devenu « La Saône ».
« LE CLOUX »
À Saint-Clément, comme au Puley, il y a un lieudit au nom amusant, « Le
Clou(x) ». C’est un toponyme bien connu, parfois affublé d’un « -x ». Il y a
aussi, par exemple à Marigny, « Le Clouzeau », qui est son diminutif. L’origine
en est le latin « clausum », qui signifie « fermé ». Autrement dit, ces lieudits
sont des formes régionales correspondant au français « clos » ou « enclos ».
Il n’y a pas d’autre mystère !
« LES CRAYS »
Voilà un lieudit particulièrement bien connu dans nos régions. En particulier,
les automobilistes connaissent tous la « Croisée de Cray », pas loin
d’ici. Mais nous avons aussi « Le Cret » à Genouilly. Et d’autre part, « Grillot »
à Gourdon et « La Grillette » à Genouilly sont des mots dérivés, nous
allons le voir. Et quelques autres, moins évidents.
Tous ces noms de lieudits viennent d’un gaulois *cracos, qui
représente la racine pré-indo-européenne *cra, avec évolution normale de
l’ancienne diphtongue –ai-. Il s’agissait de désigner « un plateau élevé et
pierreux ».
Nos voisins charolais ou brionnais
ont des « Crié » ou des « Grillet » :
Perrecy-les-Forges a un « Crié », qui est une colline pierreuse. Notre
canton a un « Grillot » à Gourdon et une « Grillette » à
Genouilly : ce sont des diminutifs. Ce sont tous des terrains recouverts de
petites pierres. Nos voisins clunisois et mâconnais ont des « Crâ », comme les
gens de la Côte-d’Or.
Ce sont
tous les descendants du celte *Krâ, qui veut dire « brûlé, grillé », et qui
aurait donné « cramé » en argot ! Mais certaines personnes croient y voir des
« corbeaux », parce que localement les corbeaux sont surnommés « des crâs » en
raison de leur cri : « crâ !crâ ! crâ ! ».
« LES FOURNEAUX »
« Les Fourneaux » à Saint-Clément, mais aussi à Genouilly ;
« Sur le Fourneau » au Puley ; « Le Fourneau » à Génelard ; « La
Fournette » à Saint-Romain-sous-Gourdon ; « le Pré du Fourneau » à
Mont-Saint-Vincent, etc. Voilà de nouveau un toponyme très répandu dans nos
régions. Si l’INSEE répertorie en Saône-et-Loire 25 lieudits habités du type « Fourneau(x) »,
Gérard Taverdet, lui, répertoriant tous les toponymes et microtoponymes, y
compris les nombreux lieudits inhabités, en relève des centaines pour notre seul
département !
Il est certain qu’il est difficile de savoir s’il s’agit de fours à
chaux (mais on en est presque sûr pour les lieudits « Chaufour »), de
fours banaux, ou d’établissements industriels. Mais il est certain qu’il y a eu,
jusqu’à une date pas très ancienne, un quatrième type de « fourneaux », et bien
plus abondamment répandu que les trois autres : ce sont les « fourneaux » des
« charbonniers », qui fabriquaient le charbon de bois !
Nous voici de nouveau renvoyés aux époques passées, cette fois-ci
alors que nos forêts et nos bois, obscurs et inquiétants pour certains, étaient
animés par l’activité de ces travailleurs auxquels a rendu hommage, au début du
siècle dernier, un écrivain dont c’est aujourd’hui le chef-d’œuvre : Jacques
Chevalier, professeur de philosophie à Grenoble. « La Forêt, Tronçais en
Bourbonnais », paru dans les années 1920, célèbre les « charbonniers ». Il
est allé les voir vivre dans leurs « loges » : voilà déjà un toponyme resté
fréquent dans nos régions, et pas seulement en Bourbonnais. Et il rend compte
de leur travail à l’ombre de leurs « fourneaux »…
Bref, il y a beaucoup plus de chance pour que nos lieudits « Le
Fourneau » soient le souvenir des charbonniers d’autrefois, plutôt que le
souvenir d’autres activités : le travail pour faire le « charbon de bois » fut
ruiné par le développement industriel du « charbon de terre », comme on a dit
longtemps ; mais, comme d’habitude, les lieudits pérennisent le souvenir d’une
époque révolue…
« LES VIGNATS »
Les lieudits dont le nom dérive du nom de la « vigne » sont chez nous
légion ! Je citerai quelques noms : « Les Vignes » à Marigny, « Les
Vignes de Bourges » et « Les Vignats » à Saint-Clément, « Le Vigny »
à Gourdon, « Les Vignes de la Roche » à Vaux-en-Pré, « Sur les Vignes »
et « La Grande Terre sous les vignes » au Puley, etc, etc.
Si, chez nous, la vigne était signalée, si sa présence servait de
repère, c’est bien entendu parce qu’elle n’était pas une culture généralisée.
Dans le Midi de la France, la vigne ne sert pas de repère, parce que sa culture
est extensive, et sa présence trop fréquente. Chez nous, c’était différent. Même
si, comme on le sait, la culture y était beaucoup plus étendue que de nos
jours !
Soit dit en passant, aujourd’hui que nos régions sont des régions
d’élevage intensif ou presque, les toponymes signalant les lieux de pâture sont
pourtant nombreux ! C’est parce qu’autrefois, l’élevage n’était pas du tout
intensif. On le remarque vite dans la « Description du Comté de Charolais
» d’Antoine Maleteste, qui date du XVIe siècle : les cultures sont
extrêmement différenciées, et l’élevage des bœufs se fait presque uniquement
pour obtenir des bœufs de labour.
Je terminerai par deux remarques. La première concerne le suffixe en
-at du lieudit de Saint-Clément « Les Vignats ». Il s’agit bien du nom de
la vigne, affublé d’un suffixe régional bien représenté chez nous pour désigner
le contenu d’un site : « Le Grenouillat » est un lieu humide ; « Le
Martrat », ou « Matrat » par dissimilation, est un cimetière
d’autrefois (où on enterrait les « martyrs », les témoins de leur foi) ; « Les
Combats », contrairement à ce qui a pu être dit, ne sont qu’une combe ; et
ainsi, les « Vignats » sont des lieux plantés de vignes.
Quant à la deuxième remarque, elle concerne la pérennité de la
culture de la vigne à Saint-Clément ! Vous savez sans doute que les vignerons de
Saint-Clément font partie de la Cave de Genouilly, où on peut acquérir un
excellent aligoté vendu sous l’appellation de « Côte chalonnaise », et qui porte
le joli nom, un peu mystérieux, de « Clos de la Massière »…
À votre santé !
À voir dans le Journal de Saône-et-Loire :
« L’opération Saint-Clément descend dans la rue », un article de Jean-Pierre Valabrègue paru le 17 novembre 2012
:
http://www.lejsl.com/edition-de-montceau-les-mines/2012/11/17/l-operation-saint-clement-descend-dans-la-rue
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